150 ans de la ligne des Cévennes – 1ère partie

1ère partie

1ère partie : Quand le charbon a besoin du train
2ème partie : La jonction Langeac – Villefort
3ème partie : Une artère de vie des Cévennes et du val d’Allier

L’histoire résumée de la ligne des Cévennes

Le texte et les images de cet article ne sont pas libres de droits.

Cet article a été rédigé par Jean-Louis MAURIN, Président de l’Association ARDEC Villefort (organisatrice des manifestations de Prévenchères et Villefort) et membre du CA  de l’association « 2020 : 150 ans de la ligne du train Cévenol ».

La ligne des Cévennes Paris- Nîmes via Clermont-Ferrand est née de l’imagination et de l’obstination d’un homme Paulin Talabot. Polytechnicien, Talabot quitte l’administration en 1931 et entre à la Compagnie du Canal de Beaucaire, dirigée par le Maréchal Soult. Ce dernier souhaite développer l’exploitation houillère dans les bassins cévenols, enclavés dans les vallées. Il faut inventer à l’époque le moyen le moins onéreux d’évacuer la production de charbon des Cévennes vers les lieux de consommation. A un projet de canal vers le Rhône, Paulin Talabot qui lors d’un séjour en Angleterre s’était lié à Robert Stephenson, le fils de l’inventeur de la locomotive, va proposer une ligne de chemin de fer, une démarche visionnaire à l’époque en France.

Remarque : Alès orthographié Alais jusqu’en 1926

En 1833, les frères Talabot vont obtenir la concession du Chemin de fer d’Alais à Beaucaire, permettant de transporter le charbon jusqu’au Rhône. Paulin Talabot qui avait bien compris l’intérêt du couplage rail-charbon constitue en 1837, la Compagnie des Mines de La Grand-Combe et des Chemins de fer du Gard, dont il devient gérant.

La première section de Nîmes (en fait Courbessac) à Beaucaire, fut livrée à la circulation le 15 juillet 1839. Quant à section Nîmes – Alais réalisée avec une main d’œuvre anglaise et un observateur prestigieux George Stephenson, elle ouvrait le 19 août 1840.

Très vite un prolongement jusqu’à La Levade au cœur du gisement charbonnier crée une première brèche vers le nord en desservant La Grand-Combe (La Pise) le 25 octobre 1841.

La gare de La Levade permettait entre autres d’évacuer le charbon des mines de Portes et de Sénéchas grâce au long plan incliné de La Canebière et Péreyrol.
La fusion des réseaux P.L et L.M le 11 avril 1857, donnait naissance au puissant P.L.M, dont Paulin Talabot allait accéder à la présidence en 1862.
En Auvergne, De Morny, député du Puy de Dôme et demi-frère de l’Empereur est à la tête de la Cie du Grand Central qui reçoit en 1853 la concession de diverses lignes pénétrant dans le Massif Central, dont celle de Clermont-Ferrand à Lempdes.
Par sa loi du 11 juin 1842, l’Empire veut rattraper le retard de la France sur les autres pays industriels en matière de chemin de fer avec l’objectif de lancer la construction de nouvelles lignes autour d’un réseau ferroviaire en étoile centrée sur Paris (Étoile de Legrand).
On l’a compris la liaison des 2 tronçons existants intéresse beaucoup les départements susceptibles d’être ainsi traversés .
Déjà en 1850, un projet prévoyait une ligne de Séverac-le-Château à Villefort par les gorges du Tarn et Florac. Dès 1853, la Société d’Agriculture de la Lozère adresse une supplique « pour l’ouverture d’un chemin de fer se détachant du Grand-Central et passant par St Flour, Marvejols, Mende et Florac ». Dans un remarquable exposé de M Borelli de Serres, cette même Société présidée par Théophile Roussel, propose de réunir les réseaux ferrés de l’Est et de l’Ouest et à établir les communications les plus directes entre l’Océan et la Méditerranée. Cette ligne de Rodez à Valence traverserait la Lozère en utilisant les vallées du Lot et de l’Altier avec variantes par la vallée du Chassezac pour atteindre Les Vans en Ardèche et la vallée de la Cèze pour rejoindre Bessèges.

Les politiques, les conseils généraux, les industriels cherchent à jouer de leur influence, afin d’avantager leur territoire ou leur activité. Parmi les propositions un tracé Le Puy, Grandrieu, Rieutort-de-Randon, Mende, Florac, Nîmes ; la Haute-Loire fait aussi étudier un tracé par la vallée de la Loire, entre Le Puy et Issarlès, pour rejoindre celle de l’Ardèche ; l’Ardèche se prononce pour un tracé par Langogne et Luc pour atteindre la haute vallée de l’Ardèche à travers le tunnel de Masméjean de 4 800 m de long ; dans le Gard la Cie du chemin de fer de Bessèges à Alès propose de rejoindre Villefort par la vallée de la Cèze.

 Dans chaque département les projets sont confiés à des ingénieurs des Ponts et Chaussées chapeautés à Paris par Alfred de Franqueville directeur général des Ponts et Chaussées et des Chemins de fer au ministère des Travaux publics. Les enquêtes d’utilité publique d’une durée d’un mois sont ouvertes entre le 24 février et 10 mars 1861 dans les 4 départements (Gard, Lozère, Ardèche et Haute -Loire). Les dossiers d’enquête sont acheminés au Conseil général des Ponts et Chaussées qui constitue une commission chargée de faire rapport sur l’avant-projet. Cette dernière considère que le tracé proposé par l’ingénieur Dombre du P.L.M est le plus court, le plus favorable pour l’exploitation, le moins exposé à la neige, le moins coûteux et celui qui ouvre un débouché pour la Lozère. Le Conseil d’État adopte en mars 1862 le décret d’utilité publique que Napoléon III signe le 9 avril 1962.

Le PLM obtient en 1862 la concession Brioude – Alais, prémices d’une liaison Paris-Nîmes. D’importants travaux estimés à 22,5 millions de francs or s’engagent au nord de La Levade pour relier Villefort avec 26 tunnels et quelques ouvrages d’art. La traversée de la vallée du Luech posait quelques problèmes : fallait-il une traversée directe qui aurait nécessité un viaduc de 30 arches de 14 m d’ouverture portant sa longueur à 536 m pour une hauteur de 46,75 m ou un ouvrage plus modeste en deux parties, longues de 387 mètres au total pour 46 m de hauteur. Finalement c’est en deux parties (partie nord 12 arches de 14 m d’ouverture et 240 m de rayon de courbure, partie sud 17 arches de 8 m d’ouverture et de 200 m de rayon de courbure) que ce viaduc impressionnant par sa grâce et son l’élégance sera construit en 19 mois. Projet le moins cher (450 000F) favorisant l’embranchement houiller de Chamborigaud pour La Vernarède, le viaduc du Luech résulte d’un deuxième choix, mais la majesté de sa courbe avec en fond le Mont-Lozère vaut le coup d’œil. Alors que la gare de Chamborigaud est livrée au trafic le 22 janvier 1867, le viaduc le sera le 1 mai 1867.

Entre la gare de Chamborigaud et le viaduc, un embranchement minier de 3,3 km mis en place par les Houillères de Portes et Sénéchas permet par un tunnel d’accéder à la vallée de l’Oguègne.  Pour les mines de Cessous, l’acheminement du charbon est complété par un chemin de fer à voie étroite. Le charbon chargé à La Jasse et à la gare de La Vernarède est évacué vers La Levade et Alais mais cette fois par la ligne P.L.M, mettant un terme au plan incliné de La Canebière.

 Les stations de Génolhac et Concoules terminées, les travaux du viaduc de la Malautière achevés et les derniers problèmes résolus dans le secteur de Valcrouzès, la voie est enfin prête.

   Le 12 août 1867, la jonction La Levade -Villefort permettait à Villefort de devenir la première bourgade lozérienne desservie par le train. Désormais deux trains par jour relient Villefort à Nîmes.

L’inauguration de cette jonction La Levade – Villefort fut grandiose, le train inaugural transportait entres autres Paulin Talabot directeur général du PLM, M Tourangin Préfet de la Lozère et Théophile Roussel. Dans les discours tous s’accordèrent à souligner l’importance de ce début de désenclavement pour la Lozère. A ce jour avec le seul parcours viaduc de La Malautière (ou Maussal) à Villefort, la Lozère comptait 5,7 kilomètres de voie ferrée, mais pour l’actionnaire principal l’important était désormais de réaliser la jonction avec Langeac, qui ouvrirait les marchés du nord au charbon de La Grand-Combe.

Extrait du Moniteur de la Lozère du 10 août 1867 sous la plume du journaliste Camille Ignon « C’est le 5 août courant que devait être ouverte la section de ligne ferrée partant de Villefort, aboutissant à Nîmes, rencontrant Alais sur sa route et communiquant avec tout le Midi. Au moment où tout était prêt pour cette ouverture, les services ont été contremandés et on a donné des ordres pour que tout fût prêt pour le 12. Ainsi donc, après demain, lundi, la circulation pour les voyageurs et pour les marchandises sera établie de Villefort à Nîmes et vice-versa.

Le train partira de Villefort à 7h 50 minutes du matin et à 1h 50 minutes du soir, et y arrivera à midi 42 minutes et à 6h heures 48 minutes du soir. Comme on le voit, il n’y a que deux trains qui partent de Villefort et qui y aboutissent ; mais en arrivant à La Grand-Combe, au lieu de deux, il y en a cinq…. »

Références
Archives Départementales de la Lozère ,
Archives personnelles Jean-Louis MAURIN

Et de nombreux ouvrages :
« Histoire du rail trans-cévenol » de Pascal BEJUI (Éditions Régordane)
« Sur les Rails des Causses et  des Cévennes »de José BANADO Éditions du Cabri
« La Grande Histoire de La Ligne des Cévennes » de Jean-Paul PIGNEDE et Pierre SIMONET aux Éditions du Cabri
« Les Chemins de fer de montagne français »  tome 1 de Lucien M VILAIN Éditions VIGOT Frères